Aujourd’hui, je vous emmène à la rencontre de George Nuku suite à sa récente collaboration avec Kartell. J’ai en effet eu la chance de découvrir son exposition au sein d’un lieu mythique parisien, le musée des arts décoratifs. Cet artiste Maori inscrit son histoire dans le design épuré de la marque et nous plonge de manière inattendue dans sa culture.
Bonjour George Nuku, pourrais-tu s’il te plaît te présenter?
Bonjour, je m’appelle George Nuku et je viens de la Nouvelle-Zélande. J’ai des origines maories et écossaises. J’ai 53 ans et cela fait maintenant 12 ans que je réalise des projets autour du plastique dans le monde entier. J’en ai fait environ 60.
Comment cette collaboration avec Kartell a-t-elle vu le jour?
Ce projet a commencé en 2012 quand j’exposais à Saint Germain-des-Près, rue Bonaparte. Je me baladais Boulevard Saint Germain quand j’ai vu la boutique Kartell. C’était la première fois, alors tu peux imaginer ma réaction ! Le personnel de la boutique m’a expliqué que leur siège se trouvait à Milan. Et, 6 mois plus tard, je faisais une exposition là-bas, dans un musée. C’est à ce moment que j’ai eu l’idée de connecter l’artiste, le musée et l’entreprise. J’ai réussi ça en imaginant une histoire sur mon ancêtre Nukupewapewa.
Mon ancêtre voyageait à Milan à la fin du XVIIIe siècle. Il a rencontré le gouverneur du Duché de Milan et tous les précurseurs de tendances de ce monde. C’est là qu’un nouveau style d’art et de design s’est créé, un mélange entre le style Rococo et Maori. Mais malheureusement, durant la Seconde Guerre Mondiale, les américains ont bombardé milan et donc détruit toutes ses œuvres.
Mes créations sont donc le reflet de cette histoire imaginaire, qui est une coïncidence intéressante puisque Kartell a nommé ses chaises « Ghost ». Et moi, je travaille avec les esprits de mes ancêtres. C’est donc une façon de donner un contexte à ce que je crée.
Je suis alors allé à Milan pendant deux mois et nous avons créé une pièce entière. Ce que vous voyez ici, ce ne sont que des échantillons, de ce que j’ai faits.
Sur quel type de matériaux travaillez-vous en général ?
Je sculpte beaucoup de choses, des os, des pierres, des coquillages, du bois, du polystyrène. Au début, je jouais un peu avec le plastique mais tout a vraiment commencé il y a 12 ans.
Je peux vraiment dire que j’ai inventé cette technique, que j’appelle » Maori Art Tradition ». Et depuis tout ce temps, je suis toujours le seul à la pratiquer. D’autres personnes ont la même approche mais utilisent des techniques occidentales à base de machines et imprimantes 3D.
Qui sont les personnages sur ces chaises et combien de temps avez-vous mis à réaliser un tel ouvrage ?
Il m’a fallu trois jours pour faire cette chaise. En jours normaux, pas en jours d’artiste. Ce ne sont pas les mêmes.
Je personnifie la nature. C’est une habitude Maorie. Mon père le faisait aussi. Sur ces deux chaises, j’ai représenté le duc et la duchesse de Milan. Ainsi, ces chaises sont devenues des personnes. Parce que les choses deviennent des personnes quand elles ont un nom.
D’où est venue cette idée de travailler le plastique et où trouvez-vous votre inspiration?
Quand tu as une idée, habituellement, tu veux juste la concrétiser. Tu veux juste finir ton travail avant que l’autre idée que tu as et qui est parfois beaucoup plus excitante, ne prenne trop de place dans ton esprit. Donc tu fais et tu te dépêches pour ensuite faire l’autre.
J’ai eu l’idée de sculpter du plastique après avoir sculpté de la nacre et de la pierre de jade car la méthode est proche. Tu ne peux pas travailler le plastique comme tu travailles le bois. Tu ne peux pas frapper dessus avec un marteau sinon il se casse.
De plus, je ne viens pas dans mon pays d’origine. Il est donc difficile de trouver les matières premières naturelles qui sont utilisées habituellement dans l’art Maori. Alors je transforme ma propre culture et je m’adapte car c’est ce qu’il faut faire. C’est ce que tu fais. C’est ce que tout le monde fait. S’adapter.
Credit Photo : ClemAroundTheCorner.com